LE CORBUSIER …
Charles Edouard Jeanneret-Gris est né le 6 octobre 1887 à la
Chaux de Fonds (Suisse) et est mort le 27 août 1965 à Roquebrune Cap Martin.
Plus connu sous le pseudonyme de « Le Corbusier »
c’est un architecte, décorateur, sculpteur etc … homme de lettres, naturalisé
Français en 1930.
Il est avec son père, descendants d’une lignée d’artisans
protestants d’émigrés du Sud Ouest de la France et par sa mère, une famille
d’industriels essentiellement horlogers de Suisse du Nord de la France et de la
Belgique. Parmi ces derniers, le patronyme belge « Corbésier » influencera un des noms de plume dès 1920 utilisé
dans la rédaction de « l’Esprit Nouveau »
(revue d’architecture fondée par lui-même et Amédée Ozenfant).
C’est l’un des principaux représentant du mouvement moderne
(dit aussi modernisme, désigne le style 1925/Art déco) Il a œuvré dans
l’urbanisme et le design. Il est connu pour être l’inventeur de « l’Unité d’habitation » (principe
moderne de bâtiments d’habitation développé par le Corbusier en collaboration
avec le peintre et architecte Nadir Afonso qui a servi de modèle à
plusieurs cités désignées par ce nom), concept sur lequel il a travaillé dans
les années 1920 ; réflexion sur le logement collectif. L’unité
d’habitation de grandeur conforme ne sera construite qu’au moment de la
reconstruction après la seconde guerre mondiale, solution aux problèmes de
logements de l’après-guerre. Sa conception envisage dans un même bâtiment tous
les équipements collectifs nécessaires à la vie …. Garderie, laverie, écoles,
commerces, lieux de rencontre etc …
Entre 1900-1916, il entame une formation de
graveur-ciseleur. Il réalise sa 1ère gravure à 15 ans obtenant une 1ère
récompense à l’exposition des Arts décoratifs de Turin 1902. Mais suite à
l’évolution catastrophique de sa vue, il désire devenir artiste peintre.
Accueilli dans un cours de dessin, le professeur ne percevant pas son talent le
dirige vers l’architecture et la décoration en 1904. Il participe à la réalisation
d’une maison sous l’égide d’un architecte en particulier la décoration … de sa
1ère villa à 17 ans.
Dès 1909, au terme d’un voyage de fin d’étude en Italie,
Autriche, Allemagne, il visite Paris et rencontre Eugène
Grasset, architecte spécialiste de la décoration dont le livre a
constitué la base de sa formation.
Sur ses conseils, il apprend les rudiments du dessin
technique concernant l’architecture en « béton armé » (matériau
composite constitué de béton et de barres d’acier qui allie résistance à la
compression du béton et résistance à la traction de l’acier). En travaillant
quelques mois à Paris comme dessinateur chez les frères Perret spécialisés dans
les constructions techniques en France, il part en mission d’études comme jeune
professeur par son école d’Art en Allemagne sur l’évolution des rapports entre
industrie et arts du bâtiment. Au terme des rencontres et des colloques, il
gagne Berlin et est embauché comme dessinateur dans la grande agence dirigée
par Peter Behrens.
Il est simple collègue parmi d’autres novices. Ses gains
salariaux lui permettent d’accompagner
un copain vers la Roumanie et la Grèce. Puis Prague, Vienne, Budapest, Istanbul
jusqu’à la Grèce. Fascinants paysages du Danube, des Balkans …. Il est
particulièrement captivé par les maisons traditionnelles de Roumanie et de
Bulgarie, les formes architecturales, les ruines blanches de l’Acropole, la
conception des monastères perchés. Ce voyage inspire sa 1ère
philosophie d’architecte. Il décide de rentrer en revoyant l’Italie qu’il
apprécie : Pise, Florence et nombre de villes chargées d’histoire et
d’œuvres d’art. Il remplit plusieurs carnets de dessins dont il se servira à de
nombreuses reprises pour illustrer ses propos et publications.
De retour à la Chaux de Fonds, il s’empresse de passer
l’examen fédéral de dessinateur pour ne pas être sans diplôme officiel. Après
quelques missions d’expert décorateur du bâtiment auprès des instances
fédérales helvétiques, il décide de s’établir librement.
Avant les hostilités de 1914, il visite l’exposition du
Werkbund à Cologne (association allemande des artisans). Il en revient avec un
projet de cité-jardin. Les terribles destructions de Reims au début du conflit
mondial stimulent son imagination pour reconstruire la ville avec le système
Dom-Ino.
Il vivote et il est contraint d’exercer son œil de décorateur
dans des services lucratifs comme employé saisonnier dans le commerce du meuble
d’occasion venant de France pendant la guerre. De multiples traces durant 1916
et en 1917, les dirigeants de l’usine Bayard lui confient la réalisation d’une
cité-jardin à Saint Nicolas d’Aliermont (Haute Normandie). Il en dessine les
plans, réalise des croquis et construit une maison à titre d’essai … mais là,
des problèmes … et le projet d’arrête.
Dès 1917, il habite rue Jacob à Paris où il fonde rue
d’Astorg un 1er atelier d’architecture. Avec A. Ozenfant, il
s’initie à la peinture à l’huile. Il expose ses 2 premières toiles galerie
Thomas. La peinture doit être pure autant au niveau de la morale que par sa
simplicité. L’art doit engendrer un émoi vibrant, réveiller l’esprit avec
sobriété. L’exubérance est condamnée.
C’est au lancement de la revue « l’Esprit Nouveau » en 1920 qu’il utilise pour la 1ère
fois « le Corbusier » qui est une adaptation du nom de son ancêtre
maternel « Lecorbésier ». Dans le pavillon de l’Esprit Nouveau, Ozenfant
expose dans l’éphémère construction de le Corbusier à l’Exposition Internationale
des Arts Décoratifs (Expositions Universelle de Paris) en 1925.
En 1922, la venue de son cousin, jeune architecte et futur
designer Pierre Jeanneret est un solide associé pour relancer son activité
d’architecte. Ils installent leur agence, c’est l’atelier 35 S rue de Sèvres
qui restera l’unique atelier sa vie professionnelle durant.
Pour se faire connaître, Ch. Edouard publie un livre, une
sélection de textes sur l’architecture parus dans la revue puriste signée …le
Corbusier. Le livre anti-académique farouchement contre le décor, dégradant des
formes …. est un succès.
La décennie 1920-1930 le voit réaliser un ensemble
remarquable de projets de villas, d’ateliers ou d’habitations manifestes, construites
ou non où l’on voit se formaliser les éléments du langage architectural
corbuséen. Il conçoit son métier de façon moderne ; construire nécessite
une œuvre rigoureuse autant qu’une mise à l’épreuve d’idées et qui en dehors
des volumes et des formes n’excluent nullement la façon d’habiter et le cadre
de vie urbain et paysages dans son ensemble. Il mène
aussi une réflexion théorique sur l’urbanisme avec des projets qui provoquent
parfois de violentes polémiques comme le « Plan Voisin » en 1925 (solution pour
le centre de Paris, réorganisation du centre de la capitale, refonte complète
de l’organisation territoriale de la France) dans lequel il propose de ré urbaniser
Paris en … détruisant les habitations le long des quais et du centre (sans
toucher aux monuments) pour y construire de vastes immeubles gratte-ciel. Il
multiplie les contacts avec les fournisseurs de mobilier. Il y entame une
recherche sur les matières et les formes de base les plus sobres et/ou
économiques. Sa collaboration avec l’artisan Thonet est
riche. Le salon d’automne à Paris en 1929 le voit présenter une ligne de
mobilier dessinée par Charlotte Perriand.
Il fonde à cette occasion avec d’autres designers français
« l’Union des Artistes Modernes »
(UAM). Alors qu’il apparaît très en pointe pour la fabrication industrielle, il
faudra attendre 1965 pour qu’un industriel de luxe italien « Cassina » produise en modeste série quelques unes
de ses œuvres.
A partir de la crise économique de 1929, le Corbusier va
concentrer sa réflexion sur l’organisation de la construction urbaine. Tous ses
projets sont fortement critiqués une fois publiés. En même temps, il mène les
réalisations de la Cité-refuge de
l’Armée du Salut de 1929 (mouvement international évangélique) à Paris … et
le pavillon suisse de la « Cité
internationale universitaire »
de Paris 1930-1932.
En 1930, il obtient la nationalité française faisant
inscrire sur son passeport la profession « d’homme de lettres ». Il
épouse Yvonne Gallis, ancien mannequin. Celle-ci a une grande influence sur lui
encore raide et dogmatique sur certains thèmes de société.
Après 1930, la crise touche des cabinets mais le Corbusier
qui est une autorité internationale, le sien continue d’être une ruche
bourdonnante. Il multiplie les voyages en Amérique ou en Europe. La fondation
Rockfeller l’invite à New York en 1934. En juillet et août 1936, il réside à
Rio de Janeiro pour une tournée de conférences comme super consultant pour améliorer
le projet de construction du Ministère de l’Education Nationale et de la Santé
Publique.
En France, le Corbusier s’adapte à la demande. Un budget
serré ne lui permet pas de se déplacer ; il est dessinateur et superviseur
de plans précis réalisés à l’atelier. L’art corbuséen s’investit dans les
contrastes de matériaux : béton, maçonnerie de pierre meulière locale,
brique de verre, panneaux de bois etc …
En 1937, in extremis, à l’Exposition Internationale de
Paris, il élabore le « Pavillon des
Temps Nouveaux » qui montre
avec une certaine ironie l’état précaire de l’architecture en France par sa
conception.
Les destructions de la guerre, puis la croissance
démographique appellent avec vigueur une reconstruction que ce soit pour des
sinistrés ou démunis, nécessite selon le Corbusier une disposition différente
de construire où la quête s’adapte suivant un rythme propre à une manière d’habiter individuelle ou familiale.
Pour répondre à ce défit, l’ATBAT ou atelier des bâtisseurs se crée rue se Sèvres. Compétences,
soutiens ou contributions financières sont apportés. Il souhaite pourtant
développer des cités-jardins, délimiter au mieux les espaces marchands,
industriels à la ville, transports efficaces, rapides tout en créant des
espaces verts, centres piétonniers en respectant les éléments paysagers.
En 1945, il accepte des plans de villes comme le port de la
Rochelle … mais ils n’auront pas de succès. Pourtant de 1945 à 1952, il verra
avec satisfaction se réaliser en France des unités modèles de sa ville moderne.
L’unité d’habitation, la 1ère inaugurée à Marseille … « La Cité Radieuse ».
C’est un immeuble sous forme de parallélépipède sur pilotis ce qui constitue
une innovation importante dans la conception des résidences d’habitation, sorte
de cité en créant un village vertical (ou horizontal) composé de 360
appartements en duplex distribués par des rues intérieures. A mi-hauteur de ces
17 niveaux, des bureaux et services commerciaux (café, épicerie, librairie etc
….) Le toit terrasse, libre accès au public, est occupé par des équipements
publics (école maternelle, gymnase, auditorium en plein air etc ...). Son
inauguration en 1952 est une grande émotion pour son concepteur.
En 1950 à 63 ans, choisi par l’Archevêque de Besançon, il se
lance dans la reconstruction de la Chapelle Notre Dame du Haut (Haute Saône)
détruite par les bombardements en 1944. C’est son 1er bâtiment de
culte.
La notoriété s’attache à lui. Dès 1947, il siège au conseil
économique et préside différentes délégations d’affaires culturelles vers les
pays francophiles. Ses services envers l’Etat lui valent d’être nommé
« Commandeur de la Légion d’Honneur » avant 1950. Les activités de
son cabinet s’étendent à des chantiers internationaux. En 1949, il signe à
Bogota (Colombie) un contrat de reconstruction de la ville colombienne, puis en
1950, les autorités indiennes lui confient le projet de la ville de Chandigarh,
nouvelle capitale du Pendjab, située sur le haut plateau.
- Chandigarh, la main symbole de la ville
Prenant en charge l’urbanisme entier, il dessine en 1er
lieu les bâtiments du complexe administratif ou capitole pour une ville
quasiment déserte. Le Corbusier répond aux sollicitations des classes aisées en
concevant des résidences privées de luxe. Sur place, son cousin, Pierre supervise
les chantiers et l’avancée des travaux.
Entre 1948 et 1950, il gère un projet de résidences de
vacances « Roq et Rob » sur une colline escarpée dominée par les
bastions de Roquebrune à Cap Martin. Il y regroupe des modules d’habitation
type maison « Monol » ou « villa du week-end » à la
Celle-Saint-Cloud … le projet est abandonné par le promoteur.
En 1952, séduit par ce bord de mer, il construit en se
« moquant des règles du Modulor » avec Fernand Gardien, un
« cabanon baraque » en bardage de croûte de pin sur un bout de rocher
battu par les flots.
En 1953, une grande exposition de ses œuvres marque le
public au « Musée National d’Art
Moderne». L’artiste discret va
revenir sur le devant de la scène.
Au cours des années 50 … le Corbusier gouverne avec dureté
son atelier qui stagne à l’échelle artisanale alors que d’autres sont
florissants. Il n’est que mépris pour ces confrères enrichis. Les commandes
restent faibles mais le réseau des anciens étudiants collaborateurs s’affirme
efficace. José Luis Sert, doyen de la section d’urbanisme à l’Université
d’Harvard (Université privée américaine située à Cambridge dans le
Massachusetts) impose le Corbusier pour le centre Carpenter consacré aux
« Arts Visuels », projeté
en 1959 terminé en 1965. D’anciens étudiants nippons l’invitent à Tokyo (Japon)
pour construire le « Musée d’Art
Occidental » La figure internationale passe alors de nombreuses
semaines chaque année dans les avions.
La fin de ces années 50 est douloureuse. Il perd sa femme et
sa mère. Il s’enferme pour créer. Il cultive l’amitié et on le voit avec André Malraux
De passage à Paris, il travaille en matinée pour accomplir
ses obligations et répondre aux sollicitations de collaborateurs et visiteurs.
L’après midi, il se réfugie dans l’activité artistique dans son appartement. Il
prend un délassement estival dans son cabanon pour se reposer de ses voyages.
Il meurt d’un malaise cardiaque au cours d’une séance de
natation quotidienne en Méditerranée près de son cabanon. Après de grandioses
obsèques nationales dans la cour du Louvre, orchestrées par A. Malraux, il est
simplement enterré sur son promontoire de Roquebrune avec sa femme. Le sobre
monument funéraire en béton à double forme est de sa conception.
Quelques hommages … il figure sur le billet de 10 francs
suisse mis en circulation le 8 avril 1997 qui le représente avec ses lunettes.
En 1988, la place « le Corbusier » à Paris prend son nom. De
nombreuses réalisations sont proposées à l’inscription au « Patrimoine
Mondial de l’UNESCO »
« Là où naît l’ordre, naît le bien être » … cette
vision est mêlée d’utopie. Le bonheur étant une des clés de ses réflexions sur
l’urbanisme. Dès 1926, il définit « UNE architecture moderne » et non
pas « l’architecture moderne » en cinq points (ce sont les
« cinq points » de l’architecture moderne) :
- 1. les pilotis - 2.
le toit terrasse - 3. le plan libre - 4. la fenêtre bandeau - 5. la façade libre
Gros travail sur une vaste vie … grâce à internet où j’ai
vraiment appris beaucoup de choses sur ce grand personnage. Je vous en souhaite
une agréable lecture … Cette fois le blog de février sera assez court pour vous
permettre d’ingurgiter ce thème important !!!
Un genre de prototype mis au point en 1928 par Perriand,
Jeanneret et le Corbusier est la chaise longue la plus connue du XX ème siècle.
Ce modèle des années 50 qui appartenait à Jean Prouvé a été estimé 40 000
euros à l’Hôtel Drouot … !!