Le port …
Corridor de la pleine mer,
de l’aventure,
De rêves fébriles où s’associe une
appréhension légère
Où le regard à bord s’évade
au-delà des digues rossées.
Déjà du ponton, s’éloigne le
bâtiment à la haute mâture ;
Sur les flots calmes, il glisse dans la
brume éphémère ;
Bientôt les voiles étarquées seront
par la brise, renflées.
De tous côtés s’offre l’immensité
salée, les embruns
Sur la coque se brisant, la terre à la
poupe disparaissant.
L’un après l’autre les solitaires
barrent sur les fonds ;
Les yeux sur le compas, le cap entre
leurs mains.
Des nuages, le blême soleil voit le
jour se réfléchissant
En moirure d’argent sur la houle vers
l’occulte horizon.
Au bastingage, attachés en boucles
souples, les cordages
Humides savamment roulés ou aux
taquets, attendent
D’être tirés, serrés par des bras
puissants et énergiques.
Peu de bruit … juste le winch actif,
les souffles sages,
Les ordres brefs tout en veillant sur
la bôme perfide,
De chants fredonnés vers une île
…parage magique.
La voilure faseye dans le vent,
l’étrave fend l’eau,
Chacun sa tâche, l’équipage
silencieux se balance ;
Tangage mortel pour le novice qui subit
l’épreuve !!
Doucement, le pied marin il acquière
puis « dispos »,
Oubliant son estomac … en vrille sous
l’indulgence
Absolue et l’aptitude exigeante, il
s’instruit et s’active.
Par-dessus les têtes, les longues
ailes blanches et gris
Cendré de goélands aux cris rauques
et stridents comme
Des pleurs. D’où viennent-ils ?
De quelles côtières
Plages, dunes ou marais… arbres
riverains et prairies ?
Ils planent au-dessus du sillage
mouvant, des hommes
Puis se teinte d’or la plume dans
l’opalescente lumière.
Sous l’astre éblouissant le littoral
déchiqueté semble
Tomber à pic ; îlot de lande
sauvage escarpé, telle
Une gemme dans son écrin de rides jade
; courants,
Où affleurent les récifs de naufrages
… coupables.
Les oscillations bercent vivres et
cœurs amarrés ; elles
Roulent le bateau et hâlent les
visages brûlants.
Avant que ne tombe sur le pont, Phébus
rougeoyant
Dans le carré au lambris vernis
explosent les rires ; Ils
Se gaussent, s’esclaffent sur leur
historique traversée !!
Dans les cabines, bientôt, ivres d’air
et sommeillant,
Morphée vers des songes prophétiques,
les emportera. Il
Ne faut pas, de ses forces, se targuer
… Dormez, dormez.
C’est l’amer retour dans
l’obscurité ; Le voilier se faufile
Dans le chenal ; A bâbord et à
tribord, feux et balises ;
Leurs gardiens, leurs repères. Quelle
nuit sur Saint Peter !!
A l’arrière, ultime est le salut sur
son fort, tour et ville
Se profilant dans un lumineux incendie
... Une brise ?
Pas un soupir ; Seul, dans
l’ombre, le clapotis est rumeur.
Eternel est l’enchantement sous
le ciel infiniment étoilé ;
Ils font corps avec leur
embarcation … Que s’éternise
Le
temps sur cette étendue au rythme d’éclats sur les rives ;
Escortes des amis voyageurs. Mais
au loin, la nue déchirée
Fait transparaître le monde
retrouvé … Voici que se brise
Le périple à l’approche du
môle … Puis l’embossage les rive.
A.T.
2013
Etarquer : hisser et
tendre une voile le long
du mât, de la vergue
Bastingage : parapet
du pont d’un navire
Le winch : petit
treuil à main qui sert à raidir
les drisses et les écoutes
Bôme : pièce
horizontale en aluminium ou bois
du gréement d’un bateau
Faseyer : voile qui
flotte et bat dans le vent
Tangage et
roulis : balancement de l’avant à
l’arrière et
réciproquement et navire
qui oscille
de droite à gauche sous
l’effet de la houle
Phébus : soleil,
astre
Saint Peter (Saint
Pierre) : capitale de Guernesey,
une des îles
anglo-normandes
Môle ; ouvrage en
maçonnerie qui protège l’entrée
d’un port
Embossage : Amarrer
un bateau à l’avant et à l’arrière pour le rendre fixe
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