dimanche 20 octobre 2013

Le port …

Le port … 



Corridor de la pleine mer, de l’aventure,
De rêves fébriles où s’associe une appréhension légère 
Où le regard à bord s’évade au-delà des digues rossées.
Déjà du ponton, s’éloigne le bâtiment à la haute mâture ;
Sur les flots calmes, il glisse dans la brume éphémère ;
Bientôt les voiles étarquées seront par la brise, renflées.

De tous côtés s’offre l’immensité salée, les embruns
Sur la coque se brisant, la terre à la poupe disparaissant.
L’un après l’autre les solitaires barrent sur les fonds ;
Les yeux sur le compas, le cap entre leurs mains.
Des nuages, le blême soleil voit le jour se réfléchissant
En moirure d’argent sur la houle vers l’occulte horizon.

Au bastingage, attachés en boucles souples, les cordages
Humides savamment roulés ou aux taquets, attendent
D’être tirés, serrés par des bras puissants et énergiques.
Peu de bruit … juste le winch actif, les souffles sages,
Les ordres brefs tout en veillant sur la bôme perfide,
De chants fredonnés vers une île …parage magique.

La voilure faseye dans le vent, l’étrave fend l’eau,
Chacun sa tâche, l’équipage silencieux se balance ;
Tangage mortel pour le novice qui subit l’épreuve !!
Doucement, le pied marin il acquière puis « dispos »,
Oubliant son estomac … en vrille sous l’indulgence
Absolue et l’aptitude exigeante, il s’instruit et s’active.

Par-dessus les têtes, les longues ailes blanches et gris
Cendré de goélands aux cris rauques et stridents comme
Des pleurs. D’où viennent-ils ? De quelles côtières
Plages, dunes ou marais… arbres riverains et prairies ?
Ils planent au-dessus du sillage mouvant, des hommes
Puis se teinte d’or la plume dans l’opalescente lumière.

Sous l’astre éblouissant le littoral déchiqueté semble
Tomber à pic ; îlot de lande sauvage escarpé, telle
Une gemme dans son écrin de rides jade ; courants,
Où affleurent les récifs de naufrages … coupables.
Les oscillations bercent vivres et cœurs amarrés ; elles
Roulent le bateau et hâlent les visages brûlants.

Avant que ne tombe sur le pont, Phébus rougeoyant
Dans le carré au lambris vernis explosent les rires ; Ils
Se gaussent, s’esclaffent sur leur historique traversée !!
Dans les cabines, bientôt, ivres d’air et sommeillant,
Morphée vers des songes prophétiques, les emportera. Il
Ne faut pas, de ses forces, se targuer … Dormez, dormez.


C’est l’amer retour dans l’obscurité ; Le voilier se faufile
Dans le chenal ; A bâbord et à tribord, feux et balises ;
Leurs gardiens, leurs repères. Quelle nuit sur Saint Peter !!
A l’arrière, ultime est le salut sur son fort, tour et ville
Se profilant dans un lumineux incendie ... Une brise ?
Pas un soupir ; Seul, dans l’ombre, le clapotis est rumeur.

Eternel est l’enchantement sous le ciel infiniment étoilé ;
Ils font corps avec leur embarcation … Que s’éternise
Le temps sur cette étendue au rythme d’éclats sur les rives ;
Escortes des amis voyageurs. Mais au loin, la nue déchirée
Fait transparaître le monde retrouvé … Voici que se brise
Le périple à l’approche du môle … Puis l’embossage les rive.
A.T. 2013





Etarquer : hisser et tendre une voile le long
du mât, de la vergue

Bastingage : parapet du pont d’un navire

Le winch : petit treuil à main qui sert à raidir
les drisses et les écoutes

Bôme : pièce horizontale en aluminium ou bois
du gréement d’un bateau

Faseyer : voile qui flotte et bat dans le vent

Tangage et roulis : balancement de l’avant à
l’arrière et réciproquement et navire qui oscille
de droite à gauche sous l’effet de la houle

Phébus : soleil, astre

Saint Peter (Saint Pierre) : capitale de Guernesey,
une des îles anglo-normandes

Môle ; ouvrage en maçonnerie qui protège l’entrée
d’un port

Embossage : Amarrer un bateau à l’avant et à l’arrière pour le rendre fixe











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